Entre forêts profondes, villages de pierre, abbayes médiévales et châteaux, le Valois déploie ses paysages calmes et puissants aux portes de Paris, entre l’Oise et l’Aisne. Berceau de la dynastie capétienne des Valois, cette région autrefois royale est aujourd’hui discrète, presque secrète. Pourtant, elle possède une densité de monuments et de lieux historiques parmi les plus riches de France.

Depuis les collines de Crépy-en-Valois jusqu’aux vallées boisées de Retz, le territoire offre une diversité rare : forêts, anciennes carrières, châteaux, manoirs, églises rurales, abbayes, fermes fortifiées… Le bâti raconte ici mille ans d’histoire, parfois en ruine, souvent encore habité.

Créée il y a deux ans à l’initiative de Guy-Pierre de Kersaint, propriétaire du Château de Versigny, et Nicolas Bilot, historien et archéologue, l’association « La Route du Valois » est une réponse directe à l’ouverture de la Cité Internationale de la langue française au sein du château de Villers-Cotterêts. En effet, cette ouverture apporte un nouveau dynamisme à la région. Le collectif regroupe aujourd’hui plus d’une vingtaine de monuments privés ouverts ponctuellement au public, dans l’Oise et l’Aisne. Son but est clair : remettre en lumière la richesse patrimoniale du territoire en ouvrant au public des lieux souvent privés, parfois oubliés, mais toujours singuliers et en créant des itinéraires de visite à la fois culturels, humains et paysagers.

Parmi les premiers à avoir incarné cette volonté de transmission, Guy-Pierre de Kersaint a été l’un des moteurs de cette dynamique. Résidence seigneuriale aux portes du Valois, le château de Versigny a traversé d’importantes transformations aux XVIIe et XIXe siècles. Malgré les ravages des guerres mondiales, la famille de Kersaint poursuit depuis maintenant trois générations la restauration et l’entretien de ce patrimoine monumental. Nous avons eu la chance de le rencontrer dans son domaine afin de pouvoir échanger sur sa passion du Valois : « Le Valois est un terreau de l’histoire de France qui n’est pas assez mis en valeur. Ce qui fait sa force, c’est la diversité de ses architectures et de ses paysages : forêts, granges, églises, châteaux… C’est un patrimoine au sens large. »

Il organise occasionnellement des visites guidées du château : « Beaucoup de visiteurs connaissent Versigny de nom, mais ignorent son histoire. Lorsqu’ils viennent, ils découvrent le patrimoine familial, un parcours presque initiatique. »

À quelques kilomètres de là, à la lisière de la forêt de Compiègne, s’élève le château d’Orrouy, un lieu chargé d’histoire. Datant en partie du XVe siècle, il fut profondément transformé au XIXe siècle sous l’impulsion du comte Armand Doria. Grand mécène et collectionneur, ami de Corot, Daumier ou encore Manet, Doria fit du château un lieu de villégiature artistique, accueillant peintres et intellectuels dans un décor néo-gothique. Ce passé prestigieux, inscrit dans la pierre, continue aujourd’hui de faire vibrer les murs d’Orrouy et le cœur de son propriétaire, Bruno Grégoire‑Sainte‑Marie. C’est dans cet écrin que s’exprime la voix de ce dernier, nouveau président de l’association La Route du Valois depuis 2025. « J’ai passé mon enfance dans le Valois, entre Nanteuil‑le‑Haudouin et Crépy‑en‑Valois. Il y a trente ans, je me suis installé à Orrouy, dans la vallée de l’Automne. C’est un territoire que je connais intimement. »

Pour lui, La Route du Valois doit continuer de grandir, de s’ouvrir à tous. Cela permet à chacun de découvrir des lieux parfois fermés, de participer à des événements, à des visites, et de mieux comprendre la richesse de cette région. Mais l’association ne se résume pas à une carte touristique. Elle est le fruit d’un engagement personnel de propriétaires qui ont choisi d’ouvrir leurs portes pour transmettre une histoire, un lieu, ou une émotion.

Ce désir de transmission s’exprime également dans la voix chaleureuse de Laurence Vivant, qui a grandi dans le Valois auprès de ses grands-parents. Aujourd’hui propriétaire avec son mari Nicolas de La Muette, ils ouvrent leur jardin au public lors d’événements nationaux comme les Rendez-vous aux Jardins ou les Journées Européennes du Patrimoine, avec des temps forts originaux, dont la visite d’une ancienne et immense carrière de pierre située sous le parc. « Ouvrir les portes, c’est partager le bonheur de vivre ici. J’aime accueillir tous les publics, mais j’ai un attachement particulier pour les écoles. J’organise souvent des visites autour des cinq sens pour les enfants. »

Laurence prépare même, pour 2026, un mini-salon des métiers du jardin, afin de transmettre aux jeunes une autre manière de découvrir le patrimoine : par la terre, les odeurs, la lumière, la matière vivante.

Un peu plus au sud, à la frontière entre Oise et Aisne, le même engagement anime Diane de Longuemar, dont le manoir du Plessis au Bois incarne l’ancrage profond du Valois dans l’histoire de France. Le manoir, inscrit aux Monuments historiques, est installé sur un site occupé depuis l’Antiquité et remanié aux XVe‑XVIe siècles.

Diane, artiste reconnue, et son mari Paul-Etienne ont choisi de s’installer ici il y a plus de trente ans, attirés par le caractère unique du site, son espace propice à ses œuvres monumentales, et son profond lien avec le territoire : « En arrivant il y a une trentaine d’années, nous avons retrouvé des cartes anciennes qui portaient toutes le nom du Valois. Il est partout, mais il a été peu à peu effacé. Il faut le faire revivre. »

Ce domaine incarne parfaitement une richesse méconnue. Racheté au XVIIe siècle par Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, pour sa position stratégique de chasse à courre, il a conservé une architecture remarquable de manoir-ferme soissonnais. On peut encore y voir aujourd’hui le logis central, la tour-donjon hexagonale, ainsi que le colombier. Pour plonger dans une atmosphère presque enchantée, l’esprit de la fin du Moyen Âge et des débuts de la Renaissance renaît dans ces jardins clos, qui rappellent les sept jours de la Genèse. Comme l’explique Diane, « les visiteurs sont toujours curieux de l’histoire du lieu. Il y a une vraie émotion à franchir les portes de ces domaines privés. »

En termes d’animations, il est possible de visiter les jardins du manoir tout au long de l’année dans le cadre de sortie nature ou individuellement en faisant la demande auprès de Diane ou Paul-Etienne. Ils ouvrent aussi leur porte à des événements nationaux comme les Rendez-vous aux Jardins et les Journées Européennes du Patrimoine. Ils organisent également de nombreuses expositions d’arts et de plantes potagères, tel que l’exposition des « Plantes potagères au goût du jour » en 2025 et une exposition « Invitation d’artistes » chaque année début automne.

Un souffle plus jeune traverse également cette aventure collective avec Pierre de Pontalba, fils du propriétaire du château de Mont-l’Évêque. Il apporte un regard neuf mais profondément enraciné dans le territoire : « Le Valois a un énorme patrimoine culturel qui mérite d’être mieux mis en avant. Participer à La Route du Valois, c’est faire partie d’une initiative commune pour rendre les sites visibles, échanger entre acteurs du territoire et créer des routes de découverte. » De ce fait, le site internet de La Route du Valois joue un rôle essentiel en offrant une visibilité nouvelle aux propriétés.

Né dans le Valois, Pierre est particulièrement sensible à sa richesse architecturale :
« Plus encore que d’autres régions plus uniformes, ici, on trouve un mélange étonnant : du gothique, du gallo-romain, du XIXe siècle, avec en plus la proximité de grandes cathédrales en périphérie. Cette diversité fait toute l’identité du Valois. »

Pour lui, la participation à l’association comble un vide patrimonial important, en donnant une voix commune aux différents sites.

Enfin, autre figure engagée au sein de l’association, François Rouzé, propriétaire du château de Montépilloy avec son épouse Élisabeth, poursuit une mission de redécouverte active : « J’ai rejoint l’association dès le début. Le château [de Montépilloy] est un monument historique emblématique, car son histoire et ses partis pris architecturaux constituent un reflet de la politique des premiers Capétiens directs comme de leurs successeurs de la branche dynastique des Valois et dont le royaume deviendra la France actuelle. Toutefois il souffre encore beaucoup d’un manque de notoriété. Il est insolite, avec sa tour en ruine qui se voit de loin, mais peu de gens en connaissent l’histoire. Il faut absolument l’inscrire dans un circuit patrimonial plus large, en lien avec des sites très connus comme Chantilly. C’est comme ça qu’on attire et qu’on rassure les visiteurs : ils savent qu’ils ne viennent pas pour rien. »

Originaire de la Somme, François Rouzé souligne à quel point le Valois a été relativement épargné par les grandes destructions qui ont marqué d’autres régions. « Ici, on trouve encore des châteaux dans presque tous les villages, » explique-t-il. Selon lui, cela témoigne d’une véritable tradition historique, d’un socle très ancien qui a traversé le temps.

Sur place, il propose une exposition permanente avec vitrines et objets issus de fouilles et une projection 3D du château reconstitué. Des événements exceptionnels ont aussi été organisés comme une fête médiévale avec reconstitutions, marché local et vieux métiers, et tournois à cheval, ou encore l’ouverture du domaine pour La Nuit des Châteaux, avec spectacles, conférences et repas.

Pour l’année 2025, les Journées du Patrimoine permettent aussi de présenter les projets de chantiers : « La tour a une fissure. Elle fera l’objet de travaux en collaboration avec la DRAC. Et le lieu sera animé notamment grâce à la restauration d’un four à pain, qui servira à organiser des ateliers dédiés à la fabrication du pain. »

La Route du Valois ne trace pas un seul chemin, mais plusieurs itinéraires à travers les lieux et les saisons. Chaque propriétaire invente sa manière d’accueillir : visites guidées, parcours dans les jardins, expositions, rendez-vous avec des artisans, circuits culturels, accueil de voitures anciennes ou d’associations locales…

C’est une manière vivante, simple, directe, de faire exister le patrimoine autrement : non comme une vitrine, mais comme un espace de rencontre entre passé et présent, entre ceux qui vivent ici et ceux qui viennent découvrir.

Et parce que les pierres ne parlent pas toutes seules, La Route du Valois donne la parole à ceux qui les habitent. Ce sont eux, les passeurs, les témoins, les jardiniers de mémoire.

Pour ceux qui souhaitent en savoir plus et découvrir l’ensemble des lieux ouverts au public, le site internet de La Route du Valois propose une liste complète des sites et événements à ne pas manquer.

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